Coronavirus Nantes. En cette période de confinement, les rues sont désertes, les gens ont rempli leur placard, on entend les oiseaux chanter et nos voisins faire leur vaisselle. Comme si la vie était en suspens. Pourtant, un groupe de travailleurs parcoure toujours autant la cité des Ducs : les livreurs. On a téléphoné à Damien, 30 ans, livreur depuis trois ans et secrétaire général de la SCALA (Syndicat des Coursiers Autonomes de Loire-Atlantique). On lui a posé quelques questions pour mieux comprendre leur situation.
Damien, 30 ans, livreur pour les plateformes nantaises : “on a le droit à rien du tout.”
- Depuis la propagation du virus et plus particulièrement depuis le confinement, comment ça se passe pour toi ?
Moi j’ai arrêté de bosser. J’ai arrêté fin de semaine dernière quand les plateformes ont mis en place des modes de fonctionnement sans contact. Ça me semble complètement insuffisant et inefficace donc, à titre personnel je préfère ne pas prendre le risque de chopper le virus et surtout d’être un vecteur de contamination pour les autres.
- Sais-tu si beaucoup de livreur travaillent encore ?
C’est assez dur à estimer mais, de ce que je vois dans les groupes Facebook, c’est moitié-moitié, entre ceux qui préfèrent arrêter et ceux qui continuent. Après, combien ça représente je ne saurais pas dire parce que déjà en temps normal, on ne sait pas dire exactement combien on est. Les plateformes sont complètement opaques là-dessus. C’est un peu compliqué de se compter.
- Certains continue de travailler mais reste-t-il encore des restaurants ouverts ?
Actuellement, il reste quelques restaurants ouverts en livraison, des Mac Do notamment, mais le nombre de courses disponibles semble avoir drastiquement baissé !
- Par rapport à ton statut d’autoentrepreneur, comment ça se passe ?
On attend des nouvelles du gouvernement, on verra ce qu’il peut se faire ou pas mais, on ne compte pas trop dessus non plus. Pour l’instant, on a le droit à rien du tout. Ils ont annoncé la mise en place d’une aide de 1500€ pour tous les autoentrepreneurs. Mais, c’est sous réserve de pouvoir prouver qu’on a perdu au moins 70% de chiffre d’affaires en mars 2020 par rapport à mars 2019. Autrement dit, c’est quasiment impossible de rentrer dans les clous. Nos déclarations sont faites sur un trimestre donc savoir ce que ça représente exactement sur le mois, c’est un peu compliqué. En plus de cela, on a déjà travaillé les 15 premiers jours du mois donc perdre au moins 70% de chiffre d’affaires sur le mois, c’est pareil, on y est pas. Et puis, il y en a beaucoup qui ne travaillait pas encore il y a un an puisque le turnover est vachement important dans le secteur. Donc tous ceux qui ont commencé en avril 2019 ou après, ils peuvent s’asseoir sur l’aide. Concrètement, c’est une non-annonce cette soi-disant aide de 1500€ puisque personne ne va pouvoir la toucher.
- As-tu un message à faire passer aux plateformes, notamment ?
Nous ce qu’on aimerait, c’est qu’on puisse être mis en chômage partiel comme tous les salariés. On voit bien que dans toutes les procédures qui ont été engagées au prudhomme, cours d’appel, cours de cassation et même l’inspection du travail. Tout le monde nous a reconnu comme des salariés déguisés. Donc tant qu’à être des salariés, on aimerait bien que nos employeurs prennent leurs responsabilités, arrêtent complètement le service et qu’on soit indemnisé comme tel.
C’est là qu’on voit les limites du système. Il y a beaucoup de livreurs qui se disent satisfaits de leur statut et puis c’est quand arrive une crise sanitaire comme ça et qu’on se retrouve sans rien contrairement aux salariés qui peuvent être en chômage partiel ou faire valoir leur droit de retrait. C’est là qu’on se dit que finalement, le statut a ses limites.
Chez Big City Life, on pense fort à tous ces livreurs qui risquent leur vie. Comme a dit Nantes Révoltée via Cerveaux Non Disponibles : « On est en guerre ou on bouffe des burgers ? ».