C’est une première, dû à la crise sanitaire le Voyage à Nantes aura lieu du 8 août au 27 septembre. Avec cette édition 2020 qui approche, nous sommes partis à la rencontre de Jean Blaise, directeur artistique du VAN et figure emblématique de la cité des Ducs.
Depuis Les Allumées au Lieu Unique en passant par la création du Voyage à Nantes avec Jean Marc Ayrault, ce trublion a véritablement façonné la ville de Nantes en lui faisant prendre un pas de côté… culturel et artistique.
Alors, quand il est question de monopole de l’espace public ou du manque d’artistes locaux programmés sur le parcours du VAN, Jean Blaise nous répond sans détour. Il faut dire que ce soixante huitard n’a plus grand chose à prouver…
Rencontre avec Jean Blaise : “Une proposition artistique ou culturelle sans désir pour moi n’a aucun intérêt !”
En raison de la crise sanitaire, est-ce qu’il a fallu repenser cette édition 2020 ?
Jean Blaise : On ne savait plus très bien ce qui allait se passer… On a tout fait pour maintenir l’édition pour la ville parce qu’en fait le Voyage à Nantes, c’est la pénétration de la ville par l’Art. Pour moi, les villes ont une personnalité qui est induite par leur histoire, par leurs dirigeants, leurs habitants. En étant au service de la ville, on ne voyait pas comment ne pas faire quelque chose pour elle au moment où elle souffrait et où elle allait souffrir gravement.
On pouvait imaginer changer la formule complètement mais on n’imaginait pas deux secondes faire un VAN en numérique. Pour nous c’était clair, soit on le faisait d’une façon physique soit on ne le faisait plus. Je crois, qu’on est arrivé à produire quelque chose qui créé du désir parce que le problème est toujours le même… Est-ce qu’on est capable de créer du désir, pour que les invités, les citoyens, les visiteurs se déplacent. Une proposition artistique ou culturelle sans désir pour moi, n’a aucun intérêt !
Est-ce que cette crise vous a amené à réfléchir le VAN autrement pour les prochaines années ?
Jean Blaise : On en a quand même tiré des leçons positives, c’est-à-dire qu’on a la chance d’avoir un parcours qui est comme une collection pérenne dans l’espace public, facilement observable et atteignable gratuitement. On a cette chance. Après la transformation, la prolongation sur le mois de septembre, pour nous ça va être une expérience.
On voit ça comme une expérience positive aujourd’hui, au départ ça ne l’était pas. Ce qui pouvait apparaitre comme un désavantage, on est en train de le transformer en expérience et à partir de cette expérience, on va observer, on va voir ce qui s’est passé et peut-être qu’on s’en servira l’année prochaine.
Pourquoi à la base décider d’investir l’espace public ?
Jean Blaise : On est toujours dans la recherche de l’accessibilité au plus grand nombre, c’est inscrit dans nos statuts. Quand on est allé dans l’espace public, de fait que le plus grand nombre le veuille ou pas, on l’a touché. Vous passez devant la place du Bouffay, vous êtes obligés de voir la statut de l’Éloge du pas de côté, de Philippe Ramette ou alors vous vous cachez. J’en ai vu des fois qui faisait semblant de ne pas la voir.
C’est très compliqué car c’est un problème d’éducation, culturel, de formation, on n’aime pas l’art contemporain comme ça. L’espace public, vous êtes obligés d’y passer et petit à petit j’ai envie de dire que ça s’insinue. Cet effort de créativité qu’on exerce à chaque fois que la ville se transforme, s’aménage, il finit par faire son oeuvre.
J’ai rencontré des visiteurs qui ne connaissaient pas Nantes et qui m’ont dit “quand on arrive à Nantes, on ressent que cette ville a de l’humour” donc elle est intelligente. D’autant plus qu’on n’a pas beaucoup de patrimoine intéressant donc pour moi l’art dans l’espace public n’est pas le miracle, mais ça change au moins le regard qu’on a sur sa ville, notre façon de l’appréhender et l’impression qu’on en a.
Qu’est-ce que vous répondez aux critiques qui disent que vous avez le monopole de l’espace public à Nantes ?
Jean Blaise : D’abord de fait, on n’a pas le monopole. Tout le monde peut intervenir et demander d’intervenir dans l’espace public. Ce qu’on leur répond, c’est que c’est notre mission.
Quand on a commencé à faire Estuaire en 2007, la même année, il y a eu la création des Machines et la réouverture du Château. Par cette offre, on a vu arriver un tourisme nouveau, un tourisme culturel. En 2008, idem, on reproduit la même dynamique donc c’est à partir de là que Jean-Marc Ayrault me demande d’imaginer une structure qui allait rassembler des grands sites culturels de la ville et l’office du tourisme. C’est une stratégie au départ et qui a marché.
Mais dès 2010, quand on créé le VAN, je me rends compte que si on n’a pas un évènement on ne réussira pas à communiquer donc on créé le VAN évènement avec la ligne verte, le parcours qui petit à petit va vraiment communiquer sur la ville. Quand on a commencé en 2012, juillet-août étaient les plus mauvais mois et huit ans après ce sont devenus les meilleurs mois de l’année en terme de tourisme. On a complètement renversé le mouvement et prouvé que finalement la création artistique, la culture pouvaient être des offres touristiques fondamentales.
En parlant de création artistique et de culture, est-ce un choix assumé de ne pas avoir ou très peu d’artistes locaux ?
Jean Blaise : C’est assumé en tout cas, ce n’est pas un choix. Pour nous, il n’y a pas d’artiste local, il y a un ou une artiste. Evor, il habite à Nantes tant pis pour lui, on travaille avec lui. L’aura culturelle de la ville fait qu’il y a de plus en plus d’artistes à Nantes donc il y en aura de plus en plus dans le VAN, mais pas volontairement. On ne se dit jamais “ah quand même il faudrait trouver un artiste local pour équilibrer”, jamais.
Le parti pris d’Estuaire était très clair. On faisait venir de grands artistes internationnaux pour qu’ils aient du recul sur le territoire. On ne voulait pas qu’il y ait d’affectif dans la proposition des artistes. On voulait qu’il y ait un regard objectif, un regard détaché pour que l’œuvre soit la plus juste possible. C’était clairement énoncé sur Estuaire. Après sur le VAN, on a beaucoup produit de designers nantais, il y a beaucoup de collectifs vraiment intéressants.
Le parcours du Voyage à Nantes 2020 approche, un petit mot pour les Nantais ?
Jean Blaise : J’espère que les Nantais vont avoir envie de refaire le chemin. On peut faire le voyage intérieur cette année. Si on fait toute la ligne, on peut découvrir des sites que nous même ne connaissons pas ou peu donc ça peut être un beau voyage pour les Nantais. Cette ville est moche mais elle est tellement réjouissante ! (rire).