Josy, certainement la doyenne des bistrotières de Nantes, tient seule depuis 33 ans le bar Le Masque, situé cour des 50 otages. Les valeurs et la personnalité de Josy font le charme de ce lieu atypique. Retour sur l’histoire de ce duo pour découvrir ce qui se cache derrière…ce Masque !
Le Masque, un lieu atypique
« C’est quoi ici ? demande un homme seul, après de timides allées et venues devant la porte.
– C’est pas un bordel Monsieur ! Au revoir ! »
Une devanture rose et un intérieur un peu sombre, qu’on distingue mal de l’extérieur, peuvent porter à confusion. Mais poussez la porte, osez entrer et découvrez un « café du soir », tout en longueur : un imposant comptoir en bois à l’entrée, plus loin une grande table, tous deux sont propices à la rencontre et à la discussion entre clients qui ne se connaissent pas. Des poutres et des pierres apparentes, et tout au fond, dans le noir, une petite scène. Tout autour, un décor dépareillé, fait de brics et de brocs, des souvenirs qui témoignent de 33 ans d’existence du Masque, des liens qui s’y nouent : une chanson dédiée à Josy, des cartes postales, des tableaux offerts par des clients, des dessins d’enfants, des photos d’artistes et surtout des masques ! 124 au total, collectés au fil du temps et dont une partie a été offerte par les fidèles du lieu, de retour de voyage ou en cadeaux à l’occasion des deux anniversaires annuels : le 22 octobre, date anniversaire de l’inauguration du Masque et le 9 mars, anniversaire de Josy.
Clin d’oeil à l’époque actuelle oblige, le dernier masque accroché ici est le modèle très à la mode en ce moment : le masque chirurgical…
…rempli d’histoires !
Josy a 42 ans en 1987 quand elle reprend le Masque. 33 ans c’est long comme une vie, faite de hauts et de bas. Et elle a tout connu :
des coups durs : des interdictions, des restrictions, des amendes, des fermetures administratives, un procès retentissant en 1994, des batailles avec les voisins, des mauvaises langues parce qu’« ouvrir un café du soir quand on est une femme, c’est forcément être une p*** », des critiques, des ardoises impayées, des clients qui s’en vont, des périodes plus difficiles où le café se vide, notamment après l’interdiction de concert, les musiciens qui peuplent alors le café s’en vont là où ils peuvent jouer…
mais aussi des bonheurs, heureusement : des clients qui reviennent, des habitués fidèles depuis des décennies, certains deviennent des amis ; ledit procès gagné contre le préfet ; des souvenirs heureux comme lorsqu’ils sont 100 dans le bar et que certains « sont jusque derrière le comptoir » pour écouter Gilles Servat sur scène ; ou lorsque ses enfants et quelques habitués se cotisent pour lui offrir un chien, « Monai » (c’est d’ailleurs à l’occasion de son baptême païen que fût créé le cocktail du même nom) ; de l’entraide, notamment quand un client installe une poulie pour fermer la porte d’entrée et ainsi protéger « la petite santé » de Josy des courants d’air ; … de jolis moments au quotidien !
Plusieurs fois, Josy manque de perdre le Masque mais 33 ans après, tous deux sont toujours là et c’est certainement son plus grand bonheur !
Josy, l’âme du Masque : ses valeurs et sa personnalité…
Pour mieux comprendre l’ambiance de ce café si particulier, il faut s’intéresser à sa «vieille cafetière » comme elle dit en riant. Alors venez vous accouder au comptoir pour faire la connaissance de Josy.
Femme autonome et indépendante, elle mène sa barque, seule. Elle réceptionne même les fûts de bière…seule ! Et c’est une belle revanche pour Josy, à qui on n’a eu de cesse de répéter qu’elle n’est rien et qu’elle ne sera jamais rien.
Ses valeurs, qui penchent à gauche, définissent la politique de la maison : des petits prix pour accueillir tout le monde mais aussi parce qu’elle « n’a pas besoin de plus » ! Ici, tous se mélangent : des étudiants, des militants, des ouvriers, des jeunes et des moins jeunes, des habitués et des gens de passage…et selon Josy, c’est jamais pareil !
Sa spécialité : les rhums arrangés. Ce qu’elle aime ? Papoter, rigoler, raconter des conneries, rire d’elle-même, pousser des coups de gueule, écouter la musique : blues, musiques du monde, pop anglaise, chanson française…notamment à partir de sa collection de CD ! Elle chante quand on lui demande mais surtout quand elle est décidée, les chansons et la gouaille de Brigitte Fontaine lui vont si bien ! Elle aime le répertoire de la chanson française, les bons mots, les textes touchants et profonds de Coline Serreau qu’elle déclame de temps en temps sur la scène.
…font le charme du Masque !
Généreuse, Josy aime être avec les autres et rendre les gens heureux : « des gens tristes, j’en ai consolé ! ». Elle apporte son vécu, ses conseils, son réconfort. Elle est heureuse quand les gens repartent avec le sourire, le cœur plus léger. Il y a un compliment qu’elle n’a jamais oublié, vieux de 20 ans, d’un couple de passage « vous êtes une étoile dans la nuit !»
Mais attention, il ne faut pas trop la chatouiller. Avec l’expérience, elle a appris à mettre des limites : « j’en ai certainement vexé aussi, parce qu’ils me cassaient les pieds et moi, tu vas pas me faire chier longtemps ! ». L’insécurité est là, il faut gérer la faune nocturne : « y a une soirée où j’ai mis 6 mecs dehors », refuser l’entrée à certains qui sont « fatigués » – mais ce n’est pas pour autant qu’elle ouvrirait un café de jour. Elle préfère le soir, les gens sont moins pressés, ils ont fini leur journée et viennent se détendre. Et même si quelque fois c’est dur et que la santé vacille, c’est ici que Josy se sent bien, à sa place.
Le Masque a donné un sens à sa vie, elle lui a tout donné. «J’y ai mis plus que mon âme ! J’y ai tout mis, mes tripes, tout ! ». Josy est la première étonnée d’être encore là, 33 ans après, elle qui ne restait jamais très longtemps quelque part. Mais elle a eu un coup de cœur pour ce lieu, et si ça dure entre eux, c’est bien parce que « c’est de l’amour ! »
Informations pratiques :
Le Masque
9 allée de l’Erdre
44 000 Nantes